Le bilan clinique d’une dysphonie
Le bilan clinique d’une dysphonie
LE BILAN PHONIATRIQUE D'UNE DYSPHONIE
I. INTRODUCTION
Les circonstances d’apparition d’une altération ou d’une modification de la voix sont extrêmement nombreuses. Cependant, on peut d'emblée différencier 2 grands types de circonstances qui entraîneront des conduites tout à fait différentes :
1- Le trouble vocal est le signal d'alarme d'une pathologie potentiellement à risque vital
exemples :
· Anomalie congénitale laryngée à la naissance (atrésie...)
· Processus infectieux aigu (épiglottite...)
· Lésion tumorale
L'altération vocale passe au second plan, après la prise en charge en urgence parfois nécessaire (liberté des voies aériennes supérieures). Secondairement, l'épisode aigu passé et l'état général stabilisé, le trouble vocal peut devenir séquellaire, rejoignant ainsi le groupe suivant.
2- L'altération vocale constitue la préoccupation majeure ou exclusive du patient
C'est de ce type d'altération vocale dont il sera question dans ce cours.
II- BILAN CLINIQUE
1- Motif du bilan vocal
A chaque consultation pour des difficultés vocales, la plainte va être entendue comme le récit d'une voix au travers duquel se raconte une vie entière.
Cette histoire n'est jamais banale, expression d'une souffrance, d'un désir...
Les motifs exprimés le plus fréquemment lors de la consultation sont :
- Le souci vocal professionnel : conserver sa voix, voix outil de communication, pour mieux convaincre, pour être crédible, pour exercer une autorité...
- Les douleurs laryngées et la fatigabilité vocale
- La cancérophobie
- L'examen systématique (chanteurs, comédiens...)
2- Entretien
Au cours de la consultation, on essaie de faire préciser au patient l’histoire de son trouble vocal.
a- Début et évolution
- Depuis quand ?
- Circonstances d'apparition : progressives ou brutales, après un traumatisme vocal, après un effort vocal prolongé... Après un épisode inflammatoire (grippe, laryngite)
- S'agit-il du premier épisode ? Sinon, à quel rythme surviennent les difficultés et quelles mesures ont-elles déjà été prises ?
b- Importance du trouble
- La gêne vocale est-elle importante ?
- À quel moment survient-elle ? Matin, soir, fin de semaine ? Le trouble est-il permanent ou intermittent?
- 48 heures de repos vocal sont-elles suffisantes pour récupérer une bonne voix ?
- Quelles sont les circonstances où le trouble vocal gêne le plus : dans l'exercice professionnel? Dans le chant ? Tout le temps... ?
c- Signes associés au trouble vocal
-Fatigabilité vocale
-Gêne, sensation de striction, sécheresse, cuisson, serrage..
-Raclage ou hemmage
-Douleurs au niveau des muscles du cou
-Douleurs en parlant, en avalant, gêne à la déglutition
-Dyspnée, toux
-Pyrosis
d- Antécédents
-O.R.L. : sinusite chronique, laryngite, trouble de l'audition, surdité dans la famille...
-Pulmonaires : pathologie respiratoire, asthme et ses traitements
-Endocriniens : troubles hormonaux, traitement hormonal, statut par rapport à la ménopause, à la pubertéC
-Chirurgicaux : intervention récente avec incubation, chirurgie de la thyroïde, de la région cervicale ou du thorax (nerf récurrent)
-Familiaux : existence de sujets dysphoniques dans la famille ou l'entourage
-Conditions de travail : milieu bruyant, enfumé, empoussiéré, climatisé, efforts de soulèvement...
- Loisirs : chant (chorale), musique (instrument à vent), supporters (foot...)
-Hygiène de vie : tabac, alcool et autres toxiques (cannabis...)
Pendant cet entretien, l’examinateur a souvent déjà pu évaluer le type et l'importance de l’anomalie vocale : altération laryngée ou des résonateurs, troubles de la coordination pneumo-phonatoire, de la posture...
Quelle que soit la pathologie en cause, c’est pendant cet entretien, alors que le patient se raconte sans avoir l’impression que sa voix fait déjà l’objet d’une évaluation, que la voix va être analysée selon différents éléments :
· Ce qu'on entend de cette voix (acoustique)
· La façon dont elle est fabriquée (physiologie)
· Le sentiment qu'elle véhicule (psychologie)
· L'intention par rapport à autrui (mode d'action)
Ainsi, tout en écoutant le patient, tout en reconstituant l’histoire du trouble vocal, le praticien évalue et côte la voix, en utilisant le plus souvent une échelle de cotation.
Une des plus utilisées est l'échelle GRBAS (Hirano).
Chaque item est coté de 0 à 3 : 0 (normal),1 (un peu altéré), 2 (modérément altéré), 3 (très altéré).
3- Examen O.R.L.
a- Global
L'examen O.R.L. « classique » permet d'apprécier l'état vélo-pharyngé, l'état buccal et dentaire, la mobilité de la langue, du pharynx, l'état des muqueuses. Si nécessaire, il permet également de vérifier l'intégrité de l'audition.
L'examen du voile du palais est important, en raison de l'interaction des sphincters glottiques et vélaires (une fuite vélaire peut être compensée par un forçage vocal laryngé).
b- Examen au miroir laryngé
Le miroir laryngé est placé dans la bouche du patient en repoussant légèrement le voile du palais sans toucher la base de langue ni la paroi postérieure du pharynx (qui sont responsables du réflexe nauséeux). Orienté à 45 degrés, il permet d'examiner dans son ensemble le larynx.
On peut alors apprécier :
· l'anatomie et la dynamique laryngée
· l'état des muqueuses (laryngite, reflux gastro-oesophagien...)
· La présence d'une lésion organique suspecte (leucoplasie, lésion précancéreuse, cancer...)
4- Bilan phoniatrique
Au terme de l'entretien et de l'examen O.R.L., on se rend souvent compte que l'origine de l'altération vocale est multiple.
Le phoniatre va alors essayer de distinguer les dysphonies organiques pures, les dysphonies dysfonctionnelles pures, les dysphonies aux mécanismes intriqués...
Le bilan phoniatrique va associer l'observation de l'aspect statique du larynx, sa fonction dynamique notamment grâce à la stroboscopie, l'intégrité et le fonctionnement des résonateurs, et le comportement phonatoire dans une approche plus générale du patient.
Le comportement phonatoire met en oeuvre différents systèmes qu'il va falloir observer :
· L'appareil respiratoire (soufflerie)
· L'appareil laryngé (vibrateur)
· Les qualités supra laryngées (résonateur)
· Le fonctionnement neurologique et l'état psycho-affectif.
Le praticien va devoir ainsi évaluer :
· Le statut O.R.L. du patient
· Les paramètres acoustiques de la voix parlée et chantée
· Les caractéristiques de la parole
· L'existence de symptômes d'ordre neurologique
- Le tempérament, l'humeur, les difficultés psychologiques éventuelles et leur retentissement sur la fonction vocale
· Les conditions d'utilisation vocale
Pour la réalisation de ce bilan, le phoniatre peut compléter son examen clinique par diverses investigations complémentaires.
Cependant, le meilleur outil d'analyse de la voix restera toujours l'oreille de l’examinateur, associée à ses facultés d'écoute et de compréhension de l’histoire du trouble vocal de son patient.
De la qualité de la relation instaurée au cours du bilan phoniatrique va dépendre l'investissement du patient dans le projet thérapeutique d'une manière globale, dans la rééducation orthophonique en particulier.
4-1-Méthodes d'évaluation clinique de la voix
a-Le trépied acoustique
L'évaluation de la qualité de la voix est une étape fondamentale de la consultation phoniatrique et orthophonique. L'approche subjective « à l'oreille » demeure la règle et reste souvent la seule méthode effectivement utilisable en pratique courante. Cependant cette approche démontre un certain nombre de limites. En particulier, la nécessité pour l'évaluateur d'être particulièrement rompu à cet exercice et de disposer de critères précis d'analyse.
Il est particulièrement important d'enregistrer systématiquement la voix et de recueillir ces informations dans des situations variées d'activités vocales : lecture, conversation, voyelle tenue, voix d'appel, voix chantée…
L'enregistrement systématique permettra des comparaisons ultérieures, la réalisation d'analyses et la soumission à des jurys d'écoute.
En situation pratique, trois paramètres acoustiques sont communément admis pour l'appréciation de la qualité de la voix : la hauteur, l'intensité, le timbre.
-la hauteur
La fréquence d'un son émis pendant la phonation correspond au nombre de cycles laryngés observés par seconde. Elle varie, bien entendu, selon les conditions d'émission du son et, dans des conditions identiques, en fonction de l'intonation donnant la mélodie.
La mesure de la hauteur moyenne de la voix (F0) peut avec un peu d'entraînement se réaliser à l'oreille, notamment par le biais du test de lecture, et sera exprimée en notes musicales ou en Hertz.
La hauteur « normale » pour un individu de sexe donné dépend de son milieu culturel d’origine. Le jugement du niveau de la hauteur (normale, trop aiguë, trop basse) dépend également du milieu culturel dont dépend le professionnel.
Le F0 des hommes occidentaux se situe entre 100 et 130HZ, celui des femmes entre 200 et 220 Hz. Il ne s’agit pas de normes mais de moyennes!
Cette F0 correspond à la fréquence «naturelle» de la CV adulte, lorsque sa vibration se fait avec souplesse et une PSG adaptée.
Quand la F0 s’éloigne de ces valuers, d’autres forces s’appliquent et il faut les compenser: la dépense énergétique augmente et les difficultés peuvent apparaître. Parfois, c’est la pathologie développée sur le CV qui modifie la F0...
Ue des orientations thérapeutiques pour améliorer le confort vocal est d’amener le patient à paroduire un F0 «naturel».
-l'intensité
L'intensité vocale correspond à l'amplitude des impulsions laryngées évoquées ci-dessus, et donc à l'amplitude du signal acoustique qui en résulte. C’est certainement le critère le plus facile à juger.
L'évaluation à l'oreille est donc assez aisée et permet généralement de classer les voix selon trois catégories : faible, moyenne ou forte.
La voix conversationnelle est aux alentours de 65 dB, la voix forte autour de 80dB, la voix chuchotée à faible intensité est à 30 dB.
L’intensité est grandement influencée par les habitudes familiales.
L’effet Lombard ( augmentation réflexe de l’intensité de la voix en milieu bruyant), participe au contrôle de l’intensité de la voix.
-le timbre
L'appréciation du timbre reste sans doute l'élément le plus délicat dans l'évaluation de la qualité de la voix. Si l'oreille humaine est capable d'apprécier très finement le timbre de la voix et ses variations, la difficulté surgit lorsqu'il s'agit de caractériser ces observations.
En effet, les qualitatifs ne manquent pas dans la littérature et chacun dispose habituellement de ses propres critères.
Ainsi, de nombreuses échelles sont proposées pour coter la voix normale et la voix pathologique. Actuellement, l'échelle la plus couramment utilisée en pratique phoniatrique est celle d’HIRANO, le GRBAS. Elle repose sur l'appréciation de cinq caractères de la voix pathologique, chacun noté selon quatre niveaux (0 : normal à 3 : atteinte sévère).
G ou grade : appréciation globale de la qualité de la voix
R ou roughness or harshness : impression audible d‘irrégularités des cycles vibratoires, comme si plusieurs fréquences fondamentales s’ajoutaient.
B ou breathness : impression audible de fuite d'air en phonation
A ou asthenicity : fatigue vocale ou voix hypotonique
S ou strain : voix forcée, ou voix hypertonique.
Certains ont proposé d'ajouter un item « I » pour instability, car la voix peut être au cours de la même conversation par moments parfaitement normale à l'oreille.
Pour ma part, je rajoute un autre « R » pour « raucité » que je distingue de l’éraillement. La raucité est l’audition d’un bruit sans caractère vibratoire (entendu plus comme un frottement) et non d’un son (qui correspond à des cycles vibratoires surajoutés).
b-Analyse de la posture et du geste vocal
L’analyse vocale n'a de sens que si l'on considère la voix comme la résultante d'un geste vocal précis émanant du fonctionnement en synergie d'une série d'organes, de muscles et de nerfs.
Une bonne voix suppose un fonctionnement souple mais précis, sur des bases physiologiques qu’il faut pouvoir analyser, d'où l’établissement, au cours du bilan d’une dysphonie, d’un profil de fonctionnement vocal.
Ce profil est attentif à l'attitude corporelle dans son ensemble (position des pieds, nuque, dos, jambes...). Il tient compte de la souplesse de l'appui corporel, de la respiration dans sa phase inspiratoire et expiratoire. Il analyse les reprises d'air, les attaques, les finales, les passages, le placement de la voix...
Le profil de fonctionnement vocal est un profil de souplesse. Tout est question d’équilibre dans le geste vocal : équilibre entre les forces musculaires et les forces élastiques, entre les pressions d’air et les pressions d’accolement, entre les muscles antagonistes… La voix ne pose pas de problème quand cet équilibre est trouvé par le patient. Mais si quelque chose change, sur un organe ou dans le fonctionnement musculaire, dans la commande neurologique ou dans la tension psychomotrice liée au fonctionnement psychique, dans l’environnement du patient, l’équilibre se rompt et la dysphonie apparaît.
L’établissement du profil de fonctionnement vocal nécessite l’observation, à l'état de repos et en situation de phonation variée (conversation, comptage, lecture, chant), de différents éléments :
- port de la tête, musculature du cou
- mâchoires
- dos, épaules
- respiration : Aspiration nasale, buccale, crispations, souplesse
- inspiration, expiration, au repos, en phonation
- attaques: dures, souples, précises, instables, effort musculaire, en coup de glotte
- finales : brusques, en coup de glotte, à bout du souffle (phonation « sans » air, lâchage d'air après phonation
- reprises d'air : par la bouche, par le nez, souples, crispées, fréquence, discrétion, bruyantes
- détente /crispation : cou, mâchoire, nuque, thorax, abdomen, nez, front, inspiration, expiration
- gestion de l'air : les reprises d'air, durée de l'expiration en adéquation avec le projet vocal et sens de la phrase
Souplesse et précision des attaques
Les attaques vocaliques se distinguent par deux modalités physiologiques :
- l'attaque douce : Contrairement à ce qu’on avait appris en 1ère année, la position pré-phonatoire des cordes vocales n’est pas obligatoirement l’accolement complet des bords libres.
Dans l’attaque douce, les bords libres prennent une forme légèrement concave donnant à la glotte une configuration fusiforme. L'air traverse la glotte légèrement ouverte, repoussant les bords libres latéralement, ce qui a pour conséquence de générer les 2 forces de fermeture (force élastique de rappel et Bernouilli). Les forces de fermeture rapprochent les bords libres l’un de l’autre, ce qui redonne à la glotte un aspect fusiforme plus étroit qu’au début du cycle. L’air passant à nouveau entre les cordes rapprochées re écartent les bords libres, qui se rapprochent plus intimement lors de la fermeture suivante, etc…jusqu’à ce que l’accolement en fermeture soit complet. On se retrouve alors dans le cycle vibratoire que l’on avait appris en 1ère année, avec l’intervention de la pression sous-glottique dès que l’accolement est complet en adduction. La phonation a donc débuté glotte ouverte.
- l’attaque dure : les cordes vocales sont appliquées l’une contre l’autre, obturant complètement la voie respiratoire. On se trouve dans la situation décrite en 1ère année. La phonation débute donc glotte fermée.
L’attaque soufflée est l'exagération de la première modalité, c'est-à-dire que l'attaque débute avec la glotte ouverte mais l'accolement qui devrait suivre ne se fait jamais totalement et il reste toujours du souffle sur le son produit. L’asynchronisme entre le souffle expiratoire et le début de la vibration est trop important et le bruit aérien parasite est nettement audible.
Le « coup de glotte » se caractérise par une exagération de la seconde modalité, avec une mise en accolement brutal et massif des cordes, accompagnée d’une participation d’un mouvement d’adduction des bandes ventriculaires, allant parfois jusqu’à leur accolement. Quand l'émission sonore débute par un coup de glotte, l’attaque présente un caractère explosif et manque acoustiquement de précision tonale et de netteté.
Souplesse et précision des finales
Le même phénomène se produit sur les finales, c'est-à-dire les derniers sons produits par une expiration phonatoire. Les finales doivent être également précises, nettes, pures et émises aussi souplement que les autres sons.
4-2-Méthodes d’évaluation instrumentale de la voix
L'analyse instrumentale des paramètres de la voix va apporter une dimension objective qui permet de contourner en partie les inconvénients de l'évaluation subjective.
En général, les signaux recueillis pourront être de plusieurs types et feront ou non l'objet d'un traitement informatique :
- acoustique : le signal est recueilli grâce à microphone
- aérodynamique : les capteurs enregistrent des pressions ou des débits d'air (buccal ou nasal)
- électroglottographique : grâce à deux électrodes mises en place de part et d'autre du larynx, la variation du signal électrique permet d'analyser les phases d'accolement ou de décollement des cordes vocales
- temporel : on mesure la durée de production d'un signal donné
a-Analyse de la hauteur
Sur le plan instrumental, plusieurs paramètres peuvent apporter des informations sur la hauteur de la voix.
- La fréquence fondamentale usuelle ou F0, exprimé en hertz
Elle représente la fréquence la plus utilisée pour un échantillon de vocalisations, moyenne autour de laquelle se distribuent généralement les autres fréquences. Si cette mesure est généralement une constante pour un individu donné, il est fondamental de bien préciser les conditions dans lesquelles a été réalisée. En effet, F0 va se modifier dès que le patient sait qu’il est enregistré, d’autant plus lors de l’épreuve de lecture et lors de la voix d’appel (F0 s’élève dans ces 2 situations).
- La gamme de fréquences utilisées, généralement recueillis en parallèle avec le F0. Elle caractérise les possibilités de souplesse, de mélodies de la voix.
- Une évaluation de la stabilité en fréquence du son laryngé est apportée par le Jitter. Ce paramètre représente la moyenne des variations de fréquences survenant pour un son périodique donné. Cette mesure ne tient pas compte des variations volontaires de la fréquence (qui sont des variations lentes), mais ne retient que les perturbations rapides et involontaires. En pratique, cette mesure, exprimée Hertz, est habituellement effectuée sur un /a/ tenu.
b-Analyse de l'intensité
On utilise, pour la mesure de l'intensité, un sonomètre ou une technique informatisée à partir du recueil acoustique par un microphone. L'intensité mesurée est exprimée en décibels. Il est fondamental que l'instrument de mesure soit parfaitement calibré. Tout comme pour la fréquence on peu évaluer l'intensité vocale moyenne qu'un sujet emploie dans les principaux modes d'utilisation de sa voix et les variations de cette intensité.
La stabilité « involontaire » rapide est ici représentée par la mesure du Shimmer, calculé par la moyenne des différences d'amplitude du signal vocal.
D'importantes informations sur la dynamique vocale sont apportées par le phonétogramme. Il s'agit de la représentation graphique des intensités minimales et maximales pouvant être émises par un individu pour chaque hauteur tonale, et ce sur toute l'étendue de la voix. Ces mesures sont reportées sur un graphique représentant en abscisse la fréquence, et en ordonnée l'intensité exprimée en décibels.
c- Paramètres aérodynamiques
-Temps maximal de phonation
Il s'agit du temps maximal pendant lequel on peut produire un son dans un contexte donné, après une inspiration la plus ample possible. La normale pour une femme est d’au moins 15 secondes, et au moins 25 secondes pour un homme. Il s'agit d'un indicateur simple du rendement laryngé (s’il est court, la déperdition d’air est trop importante au cours de la phonation ou il existe un défaut de contrôle de la PSG par les forces expiratoires).
Rapporté à la capacité vitale, on peut ainsi définir le quotient phonatoire. Ce paramètre permet de s'affranchir des variations interindividuelles la capacité pulmonaire.
L’utilisation du son /a/ pour le TMP entraîne une mise en position des cavités supra-laryngées en «pavillon divergent», sans impédance rapportée sur le larynx (voyelle la plus difficile à tenir de manière stable).
Le TMP réalisé avec un son émis bouche fermée permet une mesure avec des cavités supra-laryngées en configuration de «pavillon convergent»: l’impédance rapportée sur le larynx est maximale, participant à la force d’accolement des CV, donc libérant le larynx du rôle de sphincter. En effet, plus l’impédance rapportée sur le larynx est importante, moins les muscles vocaux sont sollicités pour assurer l’adduction des CV et donc plus facile est leur rôle de vibrateur. Ce test dans ces conditions permet d’évaluer le caractère hypertonique de la dysphonie (le timbre s’améliore lors du TMP bouche fermée).
- Débit aérien phonatoire
Il s'agit de la quantité d'air utilisé par seconde pour produire un son dans un contexte donné. On considère que pour un son émis à tonalité et intensité usuelles (son confortable), le débit d'air s'établit habituellement chez l'adulte entre 80 et 140 ml par seconde.
- test s/z
Ce texte très simple permet de comparer la durée d’émission de deux constrictives, l'une sourde /s/ et l'autre sonore /z/. Normalement, ce rapport est voisin de 1. En cas de dysfonctionnement laryngé, la réalisation de la consonne sonore devient plus difficile et le rapport s/z augmente.
Parfois cependant, la durée d’émission du «z» devient supérieure à celle du «s». Dans ce cas, la position articulatoire du /z/ combinée à la production d’un voisement est à l’origine du phénomène d’impédance rapportée sur le larynx. La production du /z/ conduit à un meilleur rapport de pressions sus et sous-glottique, favorisant le relâchement laryngé et ainsi permettant la prolongation de la durée du son... Pour aller plus loin
- Pression intrabuccale et pression sous glottique
La mesure des pressions dans la sous gltote et dans la cavité buccale pendant le chant ou la parole intéresse depuis longtemps aussi bien les chercheurs que les cliniciens. En effet, ces pressions ou surtout leurs différences, seraient susceptibles d'apporter des informations précieuses sur les contraintes exercées sur le larynx en phonation et, éventuellement sur l'existence d'un forçage vocal.
Ces mesures, réalisées surtout dans le domaine de la recherche, apparaissent beaucoup plus délicates à réaliser en pratique courante.
d- analyse du timbre
L'évaluation instrumentale du timbre reste la partie la plus délicate de l'évaluation instrumentale de la voix.
Certains paramètres précédemment décrits semblent pouvoir être corrélés à des éléments du timbre (par exemple le jitter et l’éraillement de la voix).
La sonagraphie reste la principale méthode d'analyse objective du timbre de la voix, même si sa lecture et son interprétation demande un bon entraînement. Elle peut revêtir un intérêt tout particulier pour évaluer les modifications vocales apportées par un traitement ou dans l'évaluation de la voix chantée.
Tout signal complexe périodique est composé de l'addition de signaux sinusoïdaux de fréquence et d'amplitude différentes. Ainsi en est-il de la vocalisation. De ce fait, chaque son continu sera composé d'un son fondamental et d'harmoniques, dont la fréquence est un multiple entier de la fréquence du son fondamental. Les consonnes sont quant à elles composées de bruits, c'est-à-dire l'addition de sons sans rapports entre eux.
La sonagraphie permet de visualiser et d'analyser le spectre acoustique de tout son produit. L'ensemble des fréquences (fréquence fondamentale et harmoniques) sont représentées graphiquement en fonction du temps et de leur valeur respective. Ces informations seront recueillies à partir de voyelles seules ou dans une petite phrase. Les consonnes seront visibles sous la forme de bruits s'étageant sur tout ou partie du spectre (avec un fondamental pour les consonnes voisées, sans fondamental pour les consonnes sourdes).
Pour l'essentiel, cette représentation permet de mettre en évidence soit la fréquence fondamentale du son et ses harmoniques, soit les niveaux de densification de l'énergie acoustique dans le spectre sonore, identifiant les formants.
Parmi les principaux paramètres recueillis on retiendra :
-le rapport entre la quantité d'harmoniques et le bruit dans le signal acoustique
-les renforcements harmoniques (formants)
-la stabilité, les modalités d'attaque et d’extinction du son
-le rapport entre l'intensité des harmoniques situés au-dessus de 1000 Hertz et ceux situés en dessous. Les voix moins riches ou de mauvaise qualité auraient une moins grande densité en harmoniques aigus.
4-3-La stroboscopie laryngée
La stroboscopie permet la visualisation précise des cordes vocales en mouvement, et ainsi l'étude de l'ondulation de la muqueuse, ainsi qu'une vision détaillée des bords libres.
principes de la stroboscopie
A proximité du larynx, au contact de la « pomme d’Adam », on place un microphone relié à un stroboscope. Celui-ci est une source lumineuse qui déclenche des flashes selon une fréquence déterminée.
On branche sur le stroboscope un endoscope (rigide ou souple) que l'on va positionner à proximité des cordes vocales du patient.
La fréquence des éclairs lumineux va être déterminée par la fréquence du fondamental de la voix du patient. Lorsque la fréquence du stroboscope est décalée par rapport à la fréquence des vibrations des cordes vocales, l'observateur voit les mouvements laryngés au ralenti.
La synchronisation entre la source lumineuse et la fréquence du fondamental laryngé est automatiquement déterminée.
L'effet stroboscopique donne une vision détaillée de la corde vocale et surtout de ses mouvements lors de l'émission sonore : des anomalies laryngées minimes, qu'elles soient organiques ou fonctionnelles peuvent être alors visualisées, alors qu'elles ne sont pas détectables sous un éclairage normal.
L'enregistrement des données peut se faire sous forme de photographies ou de vidéo, actuellement y compris numériques.
déroulement de l'examen
Après avoir positionné la source lumineuse à proximité du larynx (endoscope rigide ou épi-pharyngoscope, naso-fibroscope souple), on demande au patient d'émettre des sons sur une tonalité spontanée au départ, puis dans le registre de tête et de poitrine. En fonction de l'anatomie du patient, et surtout de la position de l'épiglotte, on va lui demander d'émettre des voyelles différentes (« a », « é », «i »...).
On observe alors la dynamique de l'affrontement et de l'écartement des cordes vocales, ainsi que l'ondulation muqueuse en registre lourd ou léger.
ondulation muqueuse et stroboscopie
L'ondulation muqueuse au cours d'un cycle d'ouverture et fermeture laryngée dépend du mécanisme utilisé (cf. les cours de premières années).
Dans le mécanisme lourd, la surface de contact importante des cordes vocales au niveau de leur bord libre d'une part, le relâchement du ligament vocal d'autre part, font que les ondulations muqueuses sont plus amples que dans le mécanisme léger.
Au cours de l'examen, on peut apprécier :
l'aspect du bord libre des cordes vocales
la qualité de l'accolement glottique
l'amplitude de l'ondulation muqueuse
la symétrie et la synchronisation de l'ondulation muqueuse entre les deux cordes vocales
la régularité de l'ondulation
l'existence d'un arrêt localisé ou global de l'ondulation au niveau d'une corde vocale ou des deux, l'absence de propagation de l'ondulation sur la face supérieure de la corde vocale.
intérêt diagnostique de la stroboscopie
diagnostic différentiel entre des lésions d’aspect identique :
la diminution de l'ondulation stroboscopique en regard d'une lésion du bord libre de la corde vocale fait la différence entre un kyste et un nodule
l'arrêt des ondulations fait la différence entre une monocordite simple (inflammation d'une corde vocale) et la présence d'un kyste intracordal
certains diagnostics sont impossibles sans stroboscopie (sulcus ou sillon)
diagnostic des dysphonies dysfonctionnelles : Ces troubles du comportement vocal peuvent se différencier, grâce à la stroboscopie, en formes hyperkinétiques et formes hypokinétiques.
Conclusion
Au cours du bilan vocal, le phoniatre a à sa disposition les données de l’examen clinique, stroboscopique, et des éventuelles explorations complémentaires qu’il aura réalisées. Si l'examen clinique et la stroboscopie sont indispensables, il n'en va pas de même des autres d'examens paracliniques.
À l'issue de ce bilan, le praticien établit un diagnostic et prescrit un traitement adapté : la prise en charge thérapeutique peut associer un traitement médicamenteux, une rééducation orthophonique, une prise en charge chirurgicale.
Ces indications peuvent être proposées isolément ou conjointement en fonction de l’étiologie de la pathologie vocale.
Tout au long de son examen, le praticien va également préciser la dynamique du geste vocal du patient et expliquer à ce dernier comment fonctionne sa voix, en quoi consiste son dysfonctionnement.
Cette prise de conscience du comportement vocal défectueux est fondamentale avant toute prise en charge, notamment rééducative.
Il est important que le patient comprenne qu'un dérèglement à un niveau quelconque de l'appareil phonatoire peut entraîner un dysfonctionnement de tout le mécanisme vocal : c'est en rééquilibrant l'ensemble du geste phonatoire que les points défectueux se normaliseront.
Il s'agit véritablement d'un « projet thérapeutique » que l'on propose au patient, et qui nécessite une étroite collaboration entre ce dernier, son orthophoniste et le phoniatre.
Pour les différentes pathologies que nous aurons à considérer la suite du cours, nous préciserons à chaque fois les données de ce projet thérapeutique.