Les résonateurs

 


ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE




Les cordes vocales sont à l’origine de la transformation de l’énergie aérodynamique en énergie acoustique. Cette mise en vibration des molécules d’air se propage alors aux cavités situées en aval du larynx.

La théorie «  source-filtre  » développée par Fant, constitue le modèle de référence pour expliquer la production des sons de la parole. Le générateur des sons de base, la « source » acoustique, ici les cordes vocales en vibration, est combinée avec un ensemble de 2 à 4 résonateurs couplés, appelés « filtres » acoustiques, modulant en sortie certaines propriétés du son source.



I- ANATOMIE


1- Le tractus vocal


On donne le nom de résonateurs aux cavités que le ton laryngé, ou fourniture laryngée, traverse avant d'arriver à l'air libre, à savoir le pharynx, la cavité buccale, la cavité labio-dentale et pour certains sons, le nasopharynx et les fosses nasales.



















                                                                 D’après V.Woisard




Le conduit vocal (ou tractus vocal) mesure 17 cm chez l’homme et est en fait constitué de 17 sous-cavités (sans tenir compte de la cavité nasale). La géométrie de ce tractus est plastique et dynamique: il est capable de prendre un nombre considérables de configurations et de changer très rapidement de forme.


















                                                                D’après C. Petit




Au coeur de ce tractus, ont lieu des modifications de l'énergie sonore produite par le larynx par résonance, mais également la production de bruit de turbulences (tels que des claquements, des sifflements…).


2- Les articulateurs


Les articulateurs sont les organes dont dépend la taille des résonateurs.


La taille et la forme des résonateurs varient dans des proportions considérables, car les parois de ces cavités traversées par la fourniture laryngée sont sous la dépendance d’organes mobiles eux-mêmes capables de mouvements fins et extrèmement précis : le maxillaire inférieur, la langue, les muscles du pharynx, le voile du palais, les lèvres, et le larynx.


a- Le maxillaire inférieur ou mandibule

Le maxillaire inférieur est relié au crâne par l'articulation temporo-mandibulaire. Ses mouvements sont sous la dépendance des muscles masticateurs et en particulier du muscle masseter (élévation de la mandibule et fermeture buccale) et des muscles sus-hyoïdiens (abaissement de la mandibule et ouverture buccale).

Sur le plan phonatoire, l'ouverture de la mandibule entraîne un agrandissement de la cavité buccale par abaissement du plancher buccal, ainsi que, très souvent, un abaissement laryngé ( par exemple retrouvé dans le bâillement), d'où un agrandissement de la cavité pharyngée.


b- La langue

La langue présente une structure extrêmement complexe. Ses muscles sont au nombre de 17 (8 muscles pairs et un muscle impair) et ses mouvements sont nombreux et variés. Organe d’une très grande flexibilité, la langue peut se mouvoir dans toutes les directions et s’incurver de la pointe, du dos et des bords. Sa base, postérieure, est relativement peu mobile et prend appui sur l’os hyoïde. Embryologiquement, la base de la langue a une origine très proche de l’épiglotte, cartilage le plus haut du larynx.  Ainsi, du fait de ses rapports avec l’os hyoïde et l’épiglotte, les mouvements et le niveau de tonicité de la langue influencent considérablement le fonctionnement laryngé.

La position plus ou moins avancée de la base de la langue dans la cavité buccale influence la taille du résonateur pharyngé.

La pointe ou apex, antérieure, est très souple et peut prendre les formes les plus diverses.

Dans la production des voyelles, la langue réalise dans le conduit oral une constriction plus ou moins large selon son degré d'élévation dans la cavité buccale. Le point de rapprochement maximal entre la langue et le plafond de la bouche détermine le lieu d'articulation. Cette constriction provoque une segmentation du conduit vocal en cavités de résonance distinctes, la cavité avant ou buccale en aval, et la cavité arrière ou pharyngale en amont.



3-Les muscles du pharynx

Le pharynx est un conduit musculo-membraneux qui s'étend verticalement depuis le larynx en bas jusqu'à la cavité buccale et aux fosses nasales en haut.

Ce conduit à la forme d'un entonnoir irrégulier dont la longueur et le diamètre peuvent varier en fonction de l'activité des muscles qui le constituent. Ces derniers se divisent en :

- muscles élévateurs (muscles du voile du palais, muscles élévateurs du larynx)

- muscles constricteurs : en se contractant, ces muscles rétrécissent les diamètres antero-postérieur et transversal du pharynx.


4- Le larynx

Le larynx constitue la limite inférieure de l'entonnoir pharyngé. En fonction de sa position dans le cou, il va donc modifier la longueur du résonateur pharyngé.

Toute élévation du larynx raccourcit la longueur du pharynx, alors que tout abaissement laryngé allonge la cavité pharyngée.

Par ailleurs, le ventricule de Morgani, cavité située entre les bandes ventriculaires et les cordes vocales, est un résonateur dont la taille varie elle aussi, en fonction de la position du larynx dans le cou. L’abaissement du larynx étire le larynx et agrandit  le ventricule de Morgani. L’élévation du larynx réduit la taille du ventricule de Morgani. La taille de ce ventricule dépend également du niveau de tension des cordes vocales et des bandes ventriculaires.

L’augmentation de la taille du ventricule de Morgani renforce son rôle de résonateur, lui permettant notamment le renforcement des fréquence aiguës. Pour certains, le «formant du chanteur» serait lié à la résonance du ventricule de Morgani. Pour d’autres, ce formant apparaîtrait dans la voix lorsque le larynx atteint un diamètre particulier par rapport à celui du pharynx.  Le vestibule laryngé est en effet également une cavité traversée par le son laryngé; ses parois (épiglotte, membrane quadrangulaire, ligament et muscle ary-épiglottiques...) sont capables de vibrer. Le rapport de taille particulier entre larynx et pharynx engendrerait un renforcement fréquentiel autour de 3000 Hz, zone de sensibilité maximale de l’oreille humaine.


5- Le voile du palais

Le voile du palais est une cloison musculo-membraneuse mobile qui prolonge en arrière et en bas la voûte palatine.

Sa face antero-inférieure est concave (buccale), sa face postéro-supérieure est en continuité avec le plancher des fosses nasales.

Son bord postérieur présente un prolongement conique médian : la luette. De chaque côté de la luette, le bord postérieur présente 2 replis curvilignes : les piliers antérieur et postérieur du voile du palais.

Entre les piliers se loge l’amygdale palatine.

Le voile du palais est constitué par une aponévrose (lame fibreuse) sur laquelle s'insèrent des muscles (5 paires), le tout recouvert d'une muqueuse.

Le voile du palais est une «porte» qui autorise ou pas le passage de l’air vers les cavités nasales.

Elevé et plaqué contre la paroi pharyngée postérieure, le voile oblige le son laryngé à transiter par la cavité buccale. En fonction de sa position plus ou moins élevée,  le voile influence la taille du résonateur pharyngé et du résonateur buccal.

Abaissé, le voile autorise le son laryngé à pénétrer dans les fosses nasales, permettant ainsi la nasalisation des sons.


6- Les lèvres

A l'état de repos, les lèvres se situent au contact l'une de l'autre. Dans la parole, elles produisent des mouvements complexes modifiant la longueur du résonateur buccal et son degré d'aperture.

Pour les voyelles non arrondies, le rôle des lèvres est peu important. Mais pour les voyelles ouvertes, la projection en avant et l’arrondissement des lèvres déterminent un petit résonateur dont le rôle liguistique est crucial. Ce résonateur modifie la cavité buccale en l’allongeant et en réduisant son apperture, ce qui a des conséquences acoustiques sur les sons produits.




II-Physiologie des cavités de résonance ou résonateurs


A- Rappels d’acoustique


Les sons périodiques complexes proviennent de la vibration composée d'un corps. La vibration d'une corde produit des oscillations de pression d'air caractéristiques de ce type de sons. Cette vibration composite de la corde, faite de modes vibratoires réguliers, simultanés et associés, est communiquée à l'atmosphère et se propage sous la forme d'une onde complexe périodique constituée d'un ensemble d'ondes périodiques simples combinées, appelées «  partiels  » ou «  harmoniques  ».

Les harmoniques d'un son présentent des relations directes de fréquence et d'amplitude, explicitées mathématiquement par le théorème de Fourier . Les harmoniques sont des multiples entiers de l'harmonique présentant la fréquence la plus basse  : cet harmonique le plus grave, déterminant la propre fréquence d'oscillation d'un son périodique complexe, est essentiel, d'où sa dénomination de fréquence fondamentale F0. Les autres composantes harmoniques lui sont assujetties  : la fréquence du 2ème harmonique est égale à 2F0, celle du 3è à 3F0, celle du 7è à 7F0...







Les sons apériodiques, ou bruits, résultent de la vibration chaotique d'un corps. Ils se caractérisent par une mise en turbulence de l'air engendrant des fluctuations irrégulières de la pression atmosphérique. L'onde complexe consécutive ne présente aucune constante de temps, de forme, ni de relation entre ses composantes. Ce sont des sons sans période d'oscillation, et donc sans F0 ni harmonique. Les fréquences qui les composent et leur amplitude sont totalement aléatoires et indépendantes. 2 types de sons apériodiques ne se distinguent que par leur durée  : les bruits continus ou long durent plusieurs dizaines de msec (frottement, friction...) comme ceux des consonnes fricatives. Les bruits impulsionnels ou brefs durent une dizaine de msec, implosion, explosion, claquement, comme dans les consonnes plosives.















A - Le phénomène de résonance


Les sons ne sont pas des événements vibratoires isolés. Ils entrent en résonance ou sont mis en résonance par propagation à d'autres corps du voisinage. Par exemple, le tic-tac d'une montre, à peine audible, va se transmettre aux parois d'une boîte dans laquelle on la place. Les vibrations consécutives des parois de la boîte mobilisent alors un volume d'air bien plus important que celui des vibrations de la montre seule. La résonance acoustique est de ce fait un phénomène d'amplification vibratoire de l'air.

Mais cette amplification n'affecte pas de manière homogène toutes les composantes fréquentielles d'un son, c’est à dire les différents harmoniques d'un son périodique ou les multiples fréquences d'un bruit. Chaque corps, selon sa taille, sa forme, son volume, sa matière, ne vibre pas de la même façon et donc ne répond pas identiquement à l'excitation provoquée par une source sonore. On parle de fréquence naturelle de résonance propre à chaque corps pour désigner le fait que celui-ci est plus facilement mis en vibration par des sons composés de fréquence proches ou égales aux siennes et beaucoup plus difficilement ou pas du tout par d'autres fréquences plus éloignées. Placée dans une grande boîte, le tic-tac d'une montre sera plus grave que si elle est placée dans une petite boîte: les fréquences naturelles de résonance d'une petite boîte favorisent les composantes aiguës  d'un son, alors que celles d'une grande boîte favorisent les fréquences les plus graves.

La résonance modifie exclusivement l'amplitude des composantes fréquentielles d'un son selon les caractéristiques de réponse vibratoire propre au résonateur. De ce fait, un résonateur se comporte comme un filtre acoustique  : laissant passer, renforçant, atténuant ou bloquant certaines fréquences d'un son complexe. Il modifie la répartition de l'énergie acoustique dans les différentes fréquences du spectre du son, une répartition appelée balance spectrale, terme correspondant sur le mode perceptif, au timbre sonore.


En ce qui concerne la phonation,  le son de base  émis par la vibration des cordes vocales est modulé par le filtre acoustique que constitue le conduit vocal, constitué par le pharynx, la cavité buccale, la cavité nasale et la cavité labiale.

Ces cavités sont chacune excitées par certaines fréquences composant la fourniture laryngée (ou ton laryngé) se propageant dans le conduit vocal, devenant ainsi de véritables résonateurs acoustiques. En réponse à cette excitation, les résonateurs amplifient certains paquets de fréquences du son à proximité de leurs propres fréquences naturelles de résonance. Cet ensemble de résonateurs couplés se comporte alors comme un filtre acoustique complexe, en modifiant la balance spectrale du son source, lui conférant ainsi un timbre particulier.


Ainsi, le modèle du conduit vocal à « tubes de Fant » permet d'expliciter les liens complexes mais primordiaux existant entre les différentes configurations du conduit vocal et leur résultat acoustique en termes de profil de résonance lors de la production des sons de la parole.

Le profil de résonance du conduit vocal est mathématiquement déterminé par une fonction de transfert représentant les relations entre l'entrée (la source acoustique) et la sortie (le son de parole) du système (le conduit vocal).  Outre les différences liées à la source, chaque son de la parole se caractérise par un positionnement spécifique des différents articulateurs mobiles composant le conduit vocal  : chaque articulation d'un son a pour effet de déformer et de sectionner différemment le conduit vocal, qui se définit alors par la géométrie des différentes cavités supra-glottiques connectées. Selon leur taille, différentes composantes spectrales du son source sont alors amplifiées, donnant lieu à l'émergence de zones fréquentielles plus intenses, correspondant aux fréquences naturelles de résonance du conduit vocal dans la configuration articulatoire adoptée pour la production du son articulé. Ces bandes de fréquences renforcées portent le nom de «  pôles  » ou de «  formants  » s'agissant des voyelles et des consonnes voisées.


En plus de ces amplifications, certains sons de la parole présentent également une atténuation importante de l'amplitude dans certaines bandes fréquentielles de leur spectre, apparaissant sous la forme d'un creux local d'énergie. Ces creux dans le spectre fréquentiel, appelés « zéro » ou « antiformant », relèvent de phénomènes d'anti-résonance qui apparaîssent lorsqu'un embranchement est réalisé dans le conduit vocal et que l'air expiré emprunte plus d'un canal. C'est ce qui se passe quand la cavité nasale est couplée à la cavité buccale par l'abaissement du voile du palais. Ces 2 conduits se trouvent alors en parallèle, donnant lieu à des interactions complexes où certaines fréquences de résonance d'un conduit entrent en opposition de phase ou en décalage de phase avec celles de l'autre conduit. Les anti-formants sont caractéristiques des voyelles et des consonnes nasales, mais également des consonnes latérales comme le /l/ où la cavité buccale présente une bifurcation latérale assimilable à un canal oral parallèle. De façon différente, les anti-formants apparaissent aussi lorsqu'une source acoustique telle un bruit de consonnes plosive ou fricative est produite dans le conduit vocal et non au niveau du larynx: l'air en résonance peut alors s'échapper selon 2 voies, vers l'avant ou vers l'arrière, provoquant ainsi des effets acoustiques de couplages complexes.










Les résonateurs sont des organes capables de vibrer lorsqu’ils sont excités par une source sonore. Cette mise en vibration des parois des résonateurs agit en retour sur le son en l’amplifiant. C’est le phénomène de résonance acoustique.


1- Explication

En langage physique, la résonance est un terme bien précis. Tout objet, telle une balançoire ou une tuyauterie, peut se comporter comme un oscillateur. Il existe une fréquence dite de résonance qui correspond à la fréquence d'excitation qui convient le mieux pour entraîner une oscillation de grande amplitude de cet objet.

Ainsi, une vibration excitatrice telle que l’ onde sonore produite par le larynx, tend à mettre en mouvement tous les corps susceptibles de vibrer qui se trouvent sur son passage.


Les «puffs » d'air qui traversent successivement les cordes vocales peuvent être assimilés à des impulsions acoustiques : ces impulsions acoustiques sont des sons complexes, constitués par une multitude de sons purs.

L'impulsion laryngée se propage aux molécules de l'air occupant des cavités supra-laryngées : en traversant ces cavités, l'impulsion acoustique est propagée, mais également modifiée.

Le propre d'une vibration (ici l’onde sonore) est de mettre mouvement tous les corps élastiques (c'est-à-dire déformables) qui se trouvent sur son passage. Ces corps déformables ont leur propre période de vibration, de résonance, c'est-à-dire qu'il peuvent vibrer à un certain rythme ou à une certaine fréquence.

Si leur fréquence de vibration est la même que celle de la source sonore (ici l’impulsion laryngée), le corps déformable va se mettre à vibrer lors du passage de l'impulsion acoustique. La vibration des parois du corps déformable va secondairement amplifier la vibration qui le traverse : c'est le phénomène de résonance.


Le son va ainsi être renforcé par l'unité vibrante du corps déformable qu'il traverse, à la condition que le son ait la même fréquence que celle du corps déformable (résonateur).

Si le son est complexe, c'est-à-dire constitué d'impulsions de plusieurs fréquences, une des composantes (encore appelées harmoniques) est plus particulièrement renforcée par la cavité de résonance.

Si c'est un harmonique grave qui est renforcé, le timbre rendu sera plus grave, plus sombre. Si c'est un harmonique aigu, le timbre sera éclairci.

Le résonateur agit donc comme un filtre, réduisant certains harmoniques, en renforçant d'autres : le timbre se définit comme l'audibilité des harmoniques.


Le conduit vocal absorbe, dissipe une partie de l’énergie laryngée, en amplifie une autre en la renforçant. Les résonateurs agissent comme des filtres qui, disposés en parallèle et en série, déterminent au final la fonction de transfert du conduit vocal.


2- Caractéristiques acoustiques des résonateurs


2-1-Généralités


Le timbre se définit donc comme l'audibilité des harmoniques : c'est-à-dire que le timbre est la résultante audible du modelage par les cavités de résonance du son complexe produit par les cordes vocales.

Par ailleurs, parallèlement à la production de ces sons, en fonction du point d’articulation et du mode d'articulation, nous sommes capables de produire des « bruits ».

L'air provenant des voies respiratoires, traversant les cordes vocales, va donc permettre la production :

- des consonnes de la parole (ainsi que tout un panel de bruits dits « expressifs »)

  1. -des voyelles (timbre vocalique)

  2. -du timbre extra vocalique


2-2- La production des consonnes


Les organes qui constituent les parois des résonateurs sont capables d'une multitude de mouvements.

Une grande quantité de bruits peuvent être produits par un sujet, un certain nombre de ces bruits vont acquérir une signification phonétique du fait de leur utilisation dans la parole.

Ces bruits peuvent être classés selon leur point d'articulation et selon les modalités de fonctionnement à chaque point d'articulation.


1-Les points d'articulation

les lèvres /la lèvre inférieure et le bord inférieur des incisives

la partie antérieure de la langue et la face postérieure des incisives

le dos de la langue et le palais

les cordes vocales

le voile du palais et le plafond du rhinopharynx

les orifices narinaires ou la filière nasale au niveau des cornets inférieurs.


2-Les modalités de fonctionnement

écoulement (air freiné)

explosion (air arrêté puis libéré)

vibration (air provoquant la vibration de certains organes).


À chaque point d'articulation caractérisé par son mode de fonctionnement, peut s’associer ou non une vibration des cordes vocales : son voisé ou non voisé (sonore/sourd).



2-3- La production des voyelles


Les points de résonance du conduit vocal amènent à l'émergence de certaines fréquences, correspondant au plan acoustique à l'individualisation de zones formantiques ou formants. 3 formants principaux, dits vocaliques car variant en fonction des données linguistiques, sont clairement identifiés. Il s'agit, du grave à l'aigu :

- du 1e formant F1 produit par le pharynx

- du 2e formant F2 émis par la cavité buccale

  1. -du 3e formant F3 attribuée à la cavité labiodentale

Pour les voyelles nasales : l'adjonction du résonateur nasal modifie le deuxième formant de la voyelle.


Les fréquences respectives de F1 et F2 varient selon la configuration anatomique précise du résonateur. Ainsi F1 s’étend de 300 à 800 Hz, F2 de 800 à 2500 Hz. À partir de ces 2 premiers formants, on peut construire un classement des voyelles en terme acoustique (fréquence de F1 et F2) mais aussi articulatoire (conformation anatomie des résonateurs pharyngé et buccal). On réalise ainsi un triangle vocalique autour des 3 voyelles cardinales universelles /a/, /u/, /i/, situées aux extrêmes sur le plan acoustique. Elles le sont également au plan articulatoire et donc à ce premier triangle se superpose un second triangle qualifié d'articulatoire. Pour la perception des voyelles, le filtrage réalisé par les qualités de résonance conduit en quelque sorte à une simplification du code acoustique que doit percevoir l'auditeur.


Il existe théoriquement un nombre de combinaisons infinies pour la position de chaque cavité de résonance, et donc un nombre infini de voyelles.

En fait, en fonction du code linguistique utilisé, et en particulier en français, on utilise une dizaine (16) de timbres vocaliques fondamentaux qui sont chacun caractérisé par 2 renforcements de fréquence ou formants.


On peut décrire d'autres formants :

- le troisième formant F3 serait lié à la cavité labiodentale

- le quatrième formant F4 est appelé « le singing formant » : il se situe autour de 2800Hz chez l'homme, 3200Hz chez la femme. Ce formant permet l'audibilité de la voix chantée malgré la puissance de l'orchestre (il permet à la voix de passer « au-dessus» de la fosse)


D'autres formants de hauteur supérieure existent, mais leur zone de production reste discutée et leur intérêt dans la compréhension de la parole semble moins pertinent. Par contre, ces formants participent à donner la couleur particulière du timbre individuel, le timbre extra-vocalique.



Variabilité fréquentielle des formants vocaliques


Même s’il existe des variations interindividuelles qui caractérisent le locuteur, les formants sont relativement fixes pour un individu et une langue donnée. Cependant, l'expérience des chanteurs leur permet de travailler sur la forme de leur qualité de résonance et donc sur la fréquence précise de ces formants pour modifier la hauteur, la puissance vocale ou la qualité de leur timbre.

Ainsi F1 et F2 peuvent glisser conjointement en respectant leur intervalle tout en conservant ainsi leur capacité d'identification (modification de la longueur du tube entre hauteur du larynx et position / forme des lèvres). F1 peut s'abaisser vers le fondamental pour accroître la puissance acoustique (abaissement de la mâchoire), F1 et F2 peuvent se rapprocher pour offrir une voyelle compacte au spectre étroit comme dans /a/ (contraction du pharynx), F1 et F2 peuvent s'écarter pour donner une voyelle diffuse au spectre plus large avec un étalement de la puissance acoustique comme pour /u/ (contraction de la bouche).



2-4- Le timbre extra vocalique


Le timbre extra vocalique permet la reconnaissance des individus par le contour fréquentiel global de la voix : c'est la « couleur » de la voix.

Lorsqu'un individu dit [a], l'auditeur identifie le son [a] grâce à la perception de F1 et F2, et il reconnaît l'individu par le reste des fréquences composant son enveloppe vocale.

Une analyse précise de la composition fréquentielle du timbre extra vocalique permet l'établissement d'une véritable carte d'identité vocale.


Le timbre extra-vocalique dépend de nombreux facteurs:

  1. -la taille et la forme du tractus vocal

  2. -la composition de la fourniture laryngée, et donc de la taille du larynx et des cordes vocales

  3. -Le mode de fonctionnement des résonateurs (hyper ou hypotonie musculaire, tendance à l’ouverture ou au contraire au resserrement des cavités supra-laryngées)

  4. -l’état des muqueuses de la sphère ORL

  5. -et surtout, l’influence de l’entourage et du modèle vocal qu’il représente pour l’enfant, que ce soit sur le plan acoustique, mais également sur le plan psychomoteur...


Cette carte d’identité vocale permet à chaque locuteur d’être très rapidement identifié par l’auditeur. Mais cette carte ne peut pas (pas encore...) servir d’identification judiciaire tant elle est instable chez un individu en fonction de différents facteurs pouvant à tout moment influencer son fonctionnement vocal...

Par ailleurs, le timbre d’une personne renseigne sur sa santé physique, psychique, ses émotions. Dès les premières millisecondes de l’émission vocale d’un familier, nous savons s’il va bien ou si quelque chose le tracasse...



III-influence des résonateurs sur le fonctionnement laryngé



Le vibrateur laryngé n'est pas autonome sur le plan fonctionnel. Se trouvant en amont des cavités de résonance, l'impulsion acoustique qu'il délivre va être modulée par les résonateurs et, en retour, les cavités de résonance exercent une importante action sur le fonctionnement du larynx.



1- Le contrôle de l’intensité: l’impédance ramenée sur le larynx



L'intensité du son au niveau des cordes vocales dépend de la masse d'air (masse des « puffs ») et de la vitesse de sortie de cette masse (vitesse des «  puffs  »), selon la formule de l'énergie cinétique  :    E= mV2/2.


La variation de l'intensité ne dépend pas de la masse d'air (qui ne varie pas ou très peu), mais de la vitesse d'éjection des «  puffs  ».

Facteurs faisant varier la vitesse des puffs  :

- différence de pression entre la sous-glotte (PSG) et l'espace supra-glottique : la vitesse des puffs est proportionnelle à la PSG

- taille de l'orifice d'écoulement  : la vitesse d'écoulement de l'air au travers de l'orifice glottique est inversement proportionnelle à la surface de la glotte 


Pour que l'intensité augmente, il faut donc augmenter la PSG et réduire l'orifice glottique (c'est à dire rapprocher le bord libre des CV et réduire leur écartement au cours du cycle vibratoire pour maintenir une surface glottique la plus faible possible).


Si les CV assurent seules ce rôle de contrôle de l'intensité, leur surcroît de travail est important et finalement dangereux. Elles doivent en effet d’abord résister à l'augmentation de la PSG qui tend à les écarter, puis, au cours du cycle vibratoire, se laisser déformer mais en résistant encore pour maintenir un écartement glottique le plus faible possible. L'hypertonie développée par les muscles intrinsèques laryngés peut aboutir à des lésions de la muqueuse cordale, conséquence du comportement de forçage vocal.


Rôle des résonateurs dans le contrôle de l'intensité


En agissant comme un pavillon d'extériorisation des ondes engendrées par le larynx, les cavités supraglottiques vont aider le larynx dans le contrôle de l'intensité.


Il existe, schématiquement, 2 types de pavillons d'extériorisation  :




Dans un pavillon divergent (type a), la propagation des ondes est facilitée, tandis qu'elle est freinée dans le cas du pavillon convergent (type b)  : le rétrécissement de l'orifice de sortie oppose une plus grande résistance à la propagation des ondes, ce qu'on appelle « impédance » en acoustique. L'impédance a pour conséquence de diminuer l'amplitude de l'onde, sans en modifier sa fréquence.


L'impédance agit en retour sur le mécanisme d'attaque (production de l’onde par la source), d'autant plus fortement que le dispositif est convergent. Dans le pavillon de type a, l'énergie est bien extériorisée, mais l'action en retour sur la source est faible. La source seule est à l’origine de l’intensité du son.

Dans le type b, le pavillon ramène une forte impédance sur sa source, c'est à dire qu'il s'oppose à la propagation des ondes engendrées par la source. En diminuant le gradient de pression en amont et en aval de la source, le pavillon convergent participe au contrôle de l’intensité de l’onde: il est plus facile pour les CV de rester proches l’une de l’autre, diminuant ainsi la surface glottique (d’où l’augmentation de la vitesse d’écoulement et donc l’énergie cinétique et au final l’intensité, selon la formule E= mV2/2).


Les cavités supra-glottiques, très étroites à certains endroits (passage entre la base de langue et la paroi pharyngée postérieure, passage rétro-vélaire...) constituent un pavillon fortement convergent.

Elles ramènent donc une forte impédance sur le larynx : en freinant la propagation des ondes dans la région supra-glottique, l’impédance ramenée sur le larynx participe à l’effort que les cordes vocales doivent réaliser pour s’opposer à l'écoulement de l'air quand la vitesse de l'air augmente, c'est à dire quand l'intensité du son augmente.


Lors de la production du son, les cordes vocales vont agir successivement en sphincter fermé (suffisament tonique pour empêcher l’écoulement de l’air), puis en vibrateur (suffisament souple pour se laisser déformer et vibrer au passage des puffs d’air).

Plus l'impédance ramenée sur le larynx augmente, moins les muscles vocaux sont sollicités dans leur rôle de sphincter, et plus facile sera leur passage au rôle de vibrateur.

C’est ici l’explication (simplifiée) physiologique de la rééducation «à la paille» du Dr B. Amy De La Bretèque.



Postures des résonanteurs et impédance ramenée sur le larynx


Toutes les postures qui auront pour conséquence d'allonger, de rendre plus étroit et plus convergent le conduit vocal permettront de ramener plus d'impédance sur le larynx et donc d'augmenter l'intensité de la voix  :

- le tubage (allongement des lèvres)  : allongement du conduit vocal

- abaissement du larynx  : allongement du tube vocal par abaissement concommittant du pharynx

- dilatation du pharynx  : élargissement du pharynx (mais assombrissement du timbre)

- transformation d'une voyelle ouverte en voyelle fermée  : augmentation de la convergence du conduit vocal


D'autres facteurs, liés aux lois de la physique, augmentent l'impédance dans les cavités supra-glottiques. L'impédance est proportionnelle à la vitesse, donc à la fréquence du son produit par les cordes vocales. Plus le son émis est aigu, plus l'impédance augmente.

L'impédance est donc plus élevée pour les voix féminines que pour les voix masculines.

L'abaissement du fondamental laryngé chez la femme, en diminuant l'impédance ramenée sur le larynx, augmente le travail des CV notamment dans le contrôle de l'intensité, ce qui peut conduire au forçage vocal.



2- L'accord phono-résonantiel


Pour émettre un son assez puissant sans avoir à fournir de trop gros efforts, il «  suffit  »  d’accorder les cavités de résonance sur le son laryngé  en modifiant leur forme et par conséquent leur volume.

Cet apprentissage fait appel à la  mémoire kinesthésique, c’est-à-dire la mémoire des mouvements musculaires.

L’étape suivante va solliciter plus directement la  mémoire pallesthésique, c’est-à-dire la  mémoire de la localisation des vibrations  les plus intenses ressenties au cours du chant. Elle consiste à apprendre à affiner les sensibilités internes et à localiser avec précision chacune des notes de la tessiture, selon le schéma corporel qui correspond à la technique vocale utilisée et à la catégorie vocale.

C’est  par l’oreille seule, que l'on apprend à associer une image auditive à une sensibilité interne. Cette pratique qui relève du  conditionnement des réflexes, va permettre d’acquérir au terme d’un apprentissage la  mémoire kinési-pallesthésique  indispensable au contrôle de l’émission vocale.

Le chanteur  “corrige”  son  timbre vocalique, notamment par : Le contrôle de la hauteur du larynx  : le Larynx doit pouvoir librement monter vers l’aigu et descendre vers le grave ; Cependant, par un travail de mémorisation posturale allant à l’encontre des réflexes musculaires naturels, le Chanteur parvient à modifier ou corriger le son des voyelles à sa guise en contrôlant le mouvement de son larynx. Ainsi le conduit vocal s’allonge ou raccourci conférant a une même voyelle la possibilité d’être chantée plus ou moins clair, ou plus ou moins sombre.



Si l'on peut créer une harmonie entre la forme de l'impulsion laryngée et la configuration des résonateurs lors de la production d’un son, l'effort musculaire est minimal, le son est harmonieux : la vibration laryngée est facile, la résonance optimale, le rendement vocal meilleur.

Dans la voix parlée, cette adaptation n'est pas fondamentale, l’élément important étant la transmission du message phonétique et donc la réalisation correcte de l'articulation des sons de la parole. Le larynx est simplement le « moteur » de la voix.

Dans la voix chantée par contre, la tonalité doit être précise, le larynx a un rôle très important car de lui dépend la fréquence. Les cavités de résonance doivent s'adapter pour faciliter l'émission laryngée d'une part, pour modeler l'impulsion acoustique laryngée afin d'en enrichir la composition harmonique. Le timbre dans le chant, en particulier lyrique, est fondamental.


La source glottique produit une série harmonique de fréquences. Ces fréquences vont être amplifiées par les résonances du conduit vocal. Les fréquences harmoniques qui ne se trouvent pas à proximité d’une fréquence de résonance du conduit vocal vont être atténuées, et elles ne rayonneront pas de façon efficace vers le milieu extérieur.

Lors de la recherche d’une intensité sonore, d’un timbre, d’une esthétique particulière de la voix, il faut trouver l’équilibre entre la génération de l’onde acoustique par la vibration laryngée, sa propagation dans les cavités de résonance, et son rayonnement vers le milieu extérieur. L’adaptation de la géométrie du conduit vocal par un contrôle précis des articulateurs permet un accord phono-résonantiel entre les deux premières résonances du conduit vocal, R1 (résonateur pharyngé) et R2 (résonateur buccal), et les fréquences des premiers harmoniques de la fourniture laryngée (F0, F1, F2...).


Recherche de l’intensité vocale (chant lyrique)


Les premiers harmoniques de la fourniture laryngés (F0,F1) sont les plus énergétiques. Il existe en effet une baisse progressive de l’intensité des harmoniques les plus aiguës, avec une perte de 12 dB à chaque octave.






La stratégie d’adaptation phono-résonantielle permettant une augmentation de l’intensité du son émis consiste à transmettre le plus efficacement les premiers harmoniques de la fourniture laryngée.  En configurant le premier résonateur de façon à ce que sa fréquence de résonance se trouve à proximité de F0 (R1= F0), le chanteur lyrique notamment augmente sa puissance vocale.

La fréquence de la résonance du résonateur pharyngé est dépendante de la position des articulateurs, position qui varie également en fonction de la voyelle émise. En voix parlée, la fréquence du résonateur pharyngé varie en moyenne entre 300 (i-y-u) et 800 Hz (a).

En voix chantée, notamment pour l'aigu chez la femme, les hauteurs sont souvent supérieures à 300 hz ( qui correspond à mi3). Le chanteur va devoir réaliser un ajustement du 1er résonateur pour maintenir sa fréquence de résonance à proximité de F0 (ouverture buccale, abaissement de la mâchoire). Au de-là d’une certaine hauteur, la reconnaissance des voyelles ne sera plus possible...Le gain en intensité, notamment vers l’aigu, va de pair avec la perte de l’intelligibilité.


En effet, en dessous de 352 Hz (fa3), l’ensemble des voyelles sont intelligibles, tandis qu’au dessus de 660 Hz (mi4), aucune voyelle ne peut être reconnue.


Recherche d’une production vocale aiguë forte et timbrée


L’adaptation phono-résonantielle peut être induite par la recherche d’un timbre particulier, comme c’est le cas dans de nombreux styles de chant (musiques actuelles, voix du monde, voix féminines Bulgares ou chanteurs et chanteuses de « Belting »...).

Les études récentes de ces productions vocales montrent un accord phono-résonantiel entre le premier résonateur (pharyngé) et le second harmonique laryngé (R1= 2F0). Pour la plupart des voyelles, exception faite du [i] et du [u] qui ont un premier formant F1 bas et proche de F0, le chanteur va adapter son conduit vocal pour accorder la fréquence de résonance pharyngée à F1 (second harmonique du son laryngé).


Dans le Belting, les cordes vocales vibrent en mécanisme lourd, avec une forte contraction de certains groupes musculaires intrinsèques du larynx et tout particulièrement le muscle vocal. Le larynx se positionne haut dans le cou, et une différence d'environ une cervicale et demie entre chanteurs belters et lyriques est observée.

La position haute du larynx durant le belting modifie les paramètres de résonance du son. Le conduit vocal est en effet dès lors raccourci. De plus pour certains auteurs le voile du palais est abaissé ce qui confère au son une certaine nasalité.

D'un point de vue acoustique toutes ces modifications des cavités de résonance engendrent une amplification des harmoniques aigus du son. Le belting est donc une technique vocale qui consiste entre autre à une augmentation de l'ambitus vocal en mécanisme 1. Un timbre particulier lui est associé: celui-ci est décrit comme dur, brillant ou puissant, se rapprochant de la voix parlée projetée ou encore, pour d’autres,  d'un cri maîtrisé...



Références bibliographiques

Raoul Husson, «acoustique et physique phonatoire»

http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/21/26/71/PDF/ajp-jphysap_1957_18_S3_A23_0.pdf


Gilles Léothaud, «Théorie de la phonation »

http://croisez.free.fr/pub/musique/doc/Phonation.pdf


Nathalie Henrich, « Physiologie de la voix chantée: vibrations laryngées et adaptations phono-résonantielles »

http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/68/06/92/PDF/Henrich_EMPM_2012_physiovoixchantee.pdf


Maeva Garnier, «Vibration et résonance»

http://www.gipsa-lab.grenoble-inp.fr/summerschool/voixchantee/eesvc2009_garnier.pdf


Nicole Scotto di Carlo, « Etude acoustique et auditive des facteurs d’intelligibilité de la voix chantée»

http://aune.lpl-aix.fr/lpl/personnel/scotto/articles/Intellig72.pdf

Emmanuelle Trinquesse, «Etat des connaissances sur la technique vocale du Belting»