La voix de l’enfant

 




Évolution morphologique et physiologique du larynx de la naissance à l'âge adulte






Edifié très tôt au cours de la vie fœtale (le larynx est constitué complètement au cours du troisième mois de la vie fœtale), le larynx va subir des modifications importantes durant la première enfance puis à l'adolescence pour devenir définitif après la puberté.




I-particularités anatomiques et histologiques du larynx infantile


1-situation

Le larynx de l'enfant est situé plus haut dans le cou, par rapport à l'adulte. Cette position s'abaissera progressivement au cours de la croissance :

à la naissance, les cordes vocales sont au niveau de la partie moyenne de la quatrième vertèbre cervicale

à cinq ans, elle se situe entre la quatrième et la cinquième vertèbre cervicale

chez l'adulte, les cordes vocales sont au niveau du bord inférieur de la cinquième vertèbre cervicale.


2-orientation

Les cordes vocales de l'enfant et d'une manière plus générale son larynx, ne sont pas dans un plan horizontal, mais dans un plan incliné vers le bas et l'avant.


3-taille

le diamètre transversal du larynx du nouveau-né équivaut au tiers de celui du larynx d'une femme adulte.

Le larynx et d'un nouveau-né mesure 18 mm de hauteur totale, c'est-à-dire la moitié de celui du larynx d'une femme adulte.

Les cordes vocales mesurent 4,5 à 5 mm de longueur à la naissance et vont présenter une croissance très rapide au cours des premiers mois de vie, pour atteindre 8 mm à l'âge de cinq ans (les cordes vocales d'une femme adulte mesurent 12 à 17 mm, celles d'un homme adulte 17 à 23 mm)



4-constitution

Bien qu’édifié très tôt au cours de la grossesse, le larynx poursuit son précessus de maturation bien après la naissance, juqu’à la puberté.


Les cartilages laryngés en général sont larges et courts chez l’enfant; l’épiglotte est souvent recourbée gênant la vision des cordes vocales à l'examen.


La corde vocale est constituée dans sa moitié postérieure par l'apophyse vocale de l'aryténoïde, et elle est musculo-membraneuse dans sa moitié antérieure. Cette proportion va progressivement se modifier pour atteindre une répartition 1/3-2/3 chez l'adulte.


La corde vocale est constituée chez l'enfant du muscle vocal recouvert de la muqueuse, sans ligament vocal individualisé.

Au 3ème trimestre de la grossesse, la présence d'un système élastique est observable dans la lamina propria de la CV foetale. Le développement du ligament vocal se fait par différentiation élastique progressive depuis la partie interne vers la partie externe de l'espace inter maculaire (entre les macula flavae), les fibres s'orientant dans un axe parallèle à celui de la corde vocale.


Chez le nouveau né, la lamina propria se présente comme une structure uniforme, sans différentiation évidente entre les 3 feuillets connus chez l'adulte. La lamina propria et l'espace de Reinke ne forment qu'une seule et même structure, indifférentiée, composée de fibroblastes, de fibres d'élastine et de collagène. Contrairement à l'adulte, la distribution de l'acide hyaluronique au sein de la lamina propria apparaît homogène chez le nouveau né.

Cette molécule est fondamentale au sein de la CV car elle contribue non seulement au maintien d'une viscosité tissulaire optimale permettant la phonation, mais aussi d'une rigidité tissulaire optimale autorisant le contrôle de la fréquence.


Différentes études ont montré qu’en l’absence d’utilisation des CV pour la phonation, celles-ci ne maturent pas, c’est à dire que l’organisation de la lamina en 3 couches ne se fait pas. Ce sont les vibrations, les tensions qui s’exercent sur la corde vocale qui permettent sa maturation.

Le ligament vocal va ainsi se constituer progressivement à partir de l'âge de quatre ans pour être présent comme chez l'adulte au moment de la puberté.

Cette absence de ligament vocal rend la corde très lâche et probablement plus résistante que celle de l'adulte au forçage vocal, en particulier aux cris de la petite enfance.





II-particularités physiologiques de la phonation chez l'enfant



Chez l'enfant, l'évolution de la fonction phonatoire ne se fait pas seulement au niveau de la croissance et de la structure du larynx : elle est également physiologique.

En effet, plusieurs éléments vont intervenir :

la croissance des organes phonateurs

la maturation neurologique

l'apprentissage par mimétisme

le développement du contrôle audio phonatoire

Ces éléments du développement tiennent sous leur dépendance les caractères de la voix de l'enfant.


1-ventilation phonatoire de l'enfant

la cage thoracique de l'enfant est de forme circulaire (alors qu'elle est de forme ellipsoïdale chez l'adulte), et il y a prépondérance du jeu diaphragmatique dans la respiration : chez le nouveau-né, la respiration est abdominale de manière quasi exclusive.

À l'inspiration, les parois antérieures et latérales du thorax se dilatent peu, l'expansion pulmonaire se fait par l'abaissement diaphragmatique.

Les muscles respiratoires deviennent de plus en plus puissants au cours de l'enfance, et la maîtrise progressive du souffle entraîne une augmentation de la puissance et de la stabilité de la voix.

La fréquence respiratoire est rapide chez l'enfant (25 à 45 cycles par minute au lieu de 16 par minute chez l'adulte): cette fonction ne sera mature que vers 14 ans chez la fille, 18 ans chez le garçon.



Tout ceci fait que la mécanique respiratoire ne s'adapte pas d'emblée à la phonation :

le cri, première manifestation vocale, met en jeu une activité musculaire diffuse, abdominale, thoracique, cervicofaciale et parfois même faisant participer les muscles de la colonne vertébrale.

Progressivement, en développant sa fonction vocale, l'enfant va adapter son fonctionnement musculaire et respiratoire pour une activité phonatoire de plus en plus fine.





2-Qualités du son laryngé de l'enfant


2-1-étendue vocale et tessiture

Il est important de différencier l'évolution physiologique de la voix parlée de l'enfant et celle de sa tessiture en voix chantée.

Étendue vocale : toutes les notes possiblement émises par un enfant évoluent peu avec l'âge. Elle se situe autour de deux à trois octaves de la naissance à la puberté. Cette étendue vocale est globalement centrée par la fréquence de la voix conversationnelle, qui s'abaisse progressivement avec l'âge.

Tessiture : l'ensemble des notes chantées sur lesquels l'enfant se sent à l'aise, s'élargit nettement avec l'âge. La tessiture est d'environ une octave jusqu'à 8 ans, puis elle passe à deux octaves.


À la naissance, les premiers cris se situent autour de 440 à 500 Hz, 80 à 90 décibels, le timbre est pauvre en harmoniques, qui sont le plus souvent aigus.

Vers l'âge de deux mois, la « tessiture » est de cinq demi-tons, l'enfant utilisant surtout des fréquences mélodiques vers l'aigu.

Vers l'âge de sept mois, la « tessiture » est d'environ une octave, avec un gain vers les sons graves quand le larynx et s'abaisse dans le cou. L'enfant utilise beaucoup les variations rythmiques.

Vers l'âge de sept ans, le fondamental usuel de la parole se situe autour de 250 à 280 Hz, sans différence entre les garçons et filles (c'est le timbre de leur voix qui les différencie). L'étendue vocale est de 2,5 octaves.

Progressivement, le fondamental laryngé va s'aggraver, tandis que la tessiture continue de gagner des notes aiguës.


2-2-mécanismes laryngés

Comme l'adulte, l'enfant va utiliser différents mécanismes en fonction du son émis. On rappellera simplement que comme pour l'adulte, la hauteur du son est proportionnelle à l’étirement de la corde vocale est inversement proportionnelle à la masse cordale en vibration : c'est-à-dire que plus la corde tendue (muscle CT contracté) plus le son est aigu, plus la masse en vibration est importante (muscle TA relâché) plus le son est grave.

L'enfant va utiliser dans son fonctionnement laryngé différents mécanismes, mais c'est dans le mécanisme léger que l'accolement des cordes vocales est le meilleur (voix de tête pour la voix parlée de l'enfant).

Certains enfants utilisent dans le cri un mécanisme différent de la voix de tête, appelé «mécanisme de sifflet », qui aboutit à des cris stridents que tout le monde a entendus avec frissons...


2-3-rôles des cavités de résonance

Les cavités de résonance sont plus réduites que chez l'adulte : or, plus une cavité est petite, plus la fréquence de résonance augmente. Les formants des différentes voyelles sont ainsi légèrement décalés vers l'aigu chez l'enfant, tout en conservant les mêmes rapports entre eux.

L'allongement du tractus vocal entraîne un abaissement des formants.

L'enfant apprend progressivement les positions correctes de la langue, du voile du palais, des lèvres pour l'articulation de la parole.

Les cavités de résonance sont le site des infections O.R.L. à répétition de l'enfance, et l'enfant devra s'adapter aux variations fréquentes de l'état de la muqueuse lors de la phonation.

Par ailleurs, les atteintes infectieuses répétées de la région ORL peuvent se compliquer d’épisodes hypo-acousie (par otite séromuqueuse) qui gèneront le contrôle audiophonatoire de la voix.



2-4-évolution de la motricité

Au fur et à mesure, l'enfant va progressivement améliorer ses capacités phonatoires par:

l'adaptation de la mécanique respiratoire et du jeu laryngé

la maîtrise de l’activité musculaire nécessaire au fonctionnement des résonateurs


Il lui faudra en effet une parfaite coordination motrice de cet ensemble très complexe pour progresser dans sa conquête de la parole et du langage. L'évolution de la voix et de la parole chez l'enfant s'inscrit donc dans le contexte général de la maturation neurologique et de la motricité.



2-5-contrôle audiophonatoire

Enfin, le développement de la phonation chez l'enfant, dépend pour une grande part du perfectionnement des fonctions d'analyse dont il dispose, et tout particulièrement de l'analyse auditive.

L'audition de sa propre voix est d'une importance capitale pour l'enfant : c'est le son qu'il entend le plus tôt et le plus souvent.

Plus tard, pour apprendre les positions articulatoires correctes, l'enfant utilise son oreille: il apprend à parler par approximations successives jusqu'à l'émission parfaite du son voulu.

On conçoit dès lors facilement les conséquences des pertes auditives mais modérées sous le développement de la parole du langage bien sûr, mais également sur celui de la voix de l'enfant.





III-la mue


La mue correspond à des modifications anatomiques, physiologiques et psychologiques survenant au moment de la puberté, particulièrement importantes chez le garçon et qui seront décrites ici.

La modification de la voix qui survient au cours de l'adolescence est spectaculaire chez le garçon. Elle survient le plus souvent entre 12 et 15.

Elle n'est pas forcément brutale, et pendant plusieurs mois la voix subit sa maturation, instable entre le registre de tête de l'enfance, et le registre de poitrine de l'homme adulte.

Classiquement, la voix s'abaisse d'une octave chez le garçon. Chez la fille, la mue passe plus inaperçue, avec abaissement du fondamental laryngé d'une tierce seulement, le timbre s'enrichissant en harmoniques graves.


1-la mue anatomique et physiologique

1-1-modifications laryngées

Sous l'effet de l'arrivée des hormones mâles, des transformations importantes se produisent au niveau du larynx :

les cartilages grandissent, le cartilage thyroïde change de forme, devenant saillant, ce qui correspond au relief de la pomme d’Adam

les muscles se renforcent, le ligament vocal s’ individualise parfaitement

la partie membraneuse des cordes vocales s'accroît et représente maintenant les deux tiers antérieurs de la corde vocale

le registre vibratoire des cordes vocales se modifie, la voix est produite préférentiellement par le mécanisme lourd (chez le garçon).


1-2-modifications des résonateurs

Avec la croissance du crâne et du massif facial, les résonateurs se développent. Les amygdales palatines se rétractent, les végétations adénoïdes disparaissent, l’oropharynx s'élargit. Les fosses nasales se développent sous la croissance du nez et participent ainsi à la modification du timbre.


1-3-modifications respiratoires

La cage thoracique s'élargit, la musculature gagne en puissance, les volumes d’air mobilisés sont plus importants.



2-La mue psychologique


2-1-s'adapter à cette nouvelle voix

La mue du garçon est parfois un épisode désagréable, à cause de l’instabilité vocale, des «couacs », de l'enrouement, de la bitonalité...

Le garçon peut se sentir ridiculisé par cette voix qu'il contrôle mal, les sons pouvant être au cours de la même phrase produits successivement en voix de tête puis en voix de poitrine.

Par ailleurs, pour les enfants chanteurs, il faut faire en plus le deuil de la voix chantée infantile, et pour certains d'entre eux, celui de la scolarisation en Maîtrise.

Souvent cependant, l'aggravation de la voix se fait progressivement et passe inaperçue, ceci d'autant plus que le petit garçon utilisait déjà une voix grave (cas des enfants dysphoniques).




2-2-accepter son identité sexuelle

La voix est un caractère sexuel secondaire (comme la pilosité).

Chez l'enfant, le fondamental laryngé d'un garçon et d'une fille ainsi que leur voix chantée sont peu différents avant la puberté. L'apparition d'une voix masculine chez le garçon va forcément de paire avec des considérations psychologiques concernant l'identité sexuelle.

Un refus d'acceptation de cette identité peut conduire à fausser le déroulement d'une mue.