LES PARALYSIES LARYNGEES

 

LES PARALYSIES LARYNGEES



I-GENERALITES


1-Définition


La paralysie laryngée est une atteinte neurologique qui aboutit à une immobilité d’une ou des 2 cordes vocales.

La lésion responsable d’une paralysie laryngée peut se situer à un endroit quelconque de la voie motrice qui prend son origine dans le cortex frontal (au pied de la frontale ascendante), passe par le pédoncule cérébral puis par le nerf pneumogastrique (XIème paire crânienne) pour se terminer par le nerf récurrent ou nerf laryngé inférieur. 

Le défaut de mobilité laryngée peut se manifester par une dysphonie, des troubles de la déglutition ou des troubles respiratoires : l’importance de l’un ou de l’autre de ces symptômes varie selon la position de la ou des cordes vocales immobiles.

Nous nous intéresserons dans ce cours au symptôme vocal, la prise en charge des troubles de la déglutition ou de la dyspnée relevant d’une toute approche car ces troubles mettent en jeu le pronostic vital.



L’évolution des troubles est variable, en fonction de l’étiologie de l’atteinte neurologique. Mais il est fondamental, avant d’aborder la prise en charge de la dysphonie liée à une paralysie laryngée, de comprendre que la réhabilitation fonctionnelle n’est pas forcément parallèle à la récupération neurologique.



2-Les différents types d’immobilité laryngée


La paralysie peut être :

-Partielle ou complète

-Unilatérale ou bilatérale

-D’origine mécanique ou neurogène

-En abduction ou en adduction

-Isolée ou s’intégrant dans une pathologie complexe…


La lésion responsable d’une paralysie laryngée est dans 90% des cas périphérique et unilatérale.



III-CLINIQUE DES PARALYSIES LARYNGEES


Comme pour tout patient présentant un problème de voix, l’entretien est fondamental pour préciser l’histoire du patient, de sa voix, de son trouble vocal, des traitements déjà entrepris…

La répercussion de la dysphonie sur la vie du patient en particulier est importante à évaluer, car elle participera grandement au projet thérapeutique.


C’est pendant cet entretien que le professionnel observe le geste vocal, note la posture, la respiration, l’éventuel comportement de forçage et bien entendu, le trépied acoustique vocal.


La symptomatologie phoniatrique est dépendante de la position dans laquelle se trouve la corde paralysée.


A-Paralysie unilatérale en position intermédiaire, paramédiane


1- Clinique

Toute la symptomatologie découle de la capacité ou de l’incapacité des 2 cordes vocales à pouvoir s’affronter au cours de la mise en position phonatoire.


a- Les plaintes du patient

-irritations, douleurs (forçage)

-fatigabilité

-manque d’efficacité, de puissace

-perte de la mélodie

-impossibilité de chanter

-toux parfois peu efficace


b-Le geste vocal

-respiration : superficielle, thoracique haute

-inspirations bruyantes (défaut d’abduction)

-geste vocal de détresse, posture caractéristique du forage vocal chronique


c-      L’intensité

- faible : le geste vocal en forçage ne parvient pas à rétablir le conflit nécessaire entre la force d’accolement des CV et la pression sous-glottique.

- variable en fonction de l’état émotionnel

- peu contrôlable par le patient



d- La hauteur

-aggravée le plus souvent (recherche d’un meilleur accolement)

-inadaptée (peu contrôlable)

-Problème de justesse


e- Le timbre

Il peut être normal (en cas de paralysie en adduction, ou en abduction avec CV paramédiane : dans ce cas, la CV saine compense le défaut de mobilité de la CV controlatérale, en dépassant la ligne médiane). Le timbre est le plus souvent altéré, de survenue brutale


-Le souffle : l’importance de la fuite d’air dépend de la position de la CV paralysée et de la capacité de l’autre corde à venir compenser le défaut de déplacement médial de la CV immobile

-S1 :voix feutrée (défaut d’accolement) à S3 : voix chuchotée (absence de contact)

-Toux souvent sonorisée mais feutrée ou soufflée

-Attaques en coup de glotte sonores


-L’éraillement : correspond à la perte de synchronisation vibratoire entre les CV. R1 : léger grésillement (contact CV suffisamment possible pour que CV paralysée puisse vibrer) à R3 : bitonalité (CV paralysée ne vibre pas mais « flotte » en drapeau sous l’effet de l’air expiré)


-Pas de raucité


f- L ‘aspect laryngé

L’examen du larynx (endoscopique ou au miroir) précise le type d’immobilité laryngée (uni ou bilatérale, adduction ou abduction), l’aspect des CV et surtout le volume de la CV paralysée.

Au défaut de mobilité qui va gêner l’accolement des CV, s’ajoute l’atrophie du muscle TA consécutive à sa paralysie : cette fonte musculaire rend encore plus difficile le rapprochement des bords libres et la prévention de cet élément constitue l’urgence de la prise en charge thérapeutique des paralysies laryngées.


L’examen stroboscopique permet de préciser le déroulement du cycle vibratoire : en cas de rapprochement suffisant des CV, la pression sous-glottique peut s’élever et initier le cycle vibratoire dans la corde saine et parfois dans la corde paralysée. Le plus souvent cependant, les cycles se déroulent sans synchronisation, ce qui aboutit à un éraillement, voire une bitonalité (audition de 2 F0).

Le mécanisme laryngé préférentiellement utilisé est le 1, car il favorise l’accolement des CV en augmentant la masse vibrante donc le volume notamment de la CV paralysée.

Le changement de hauteur vers l’aigu va être rapidement limité :

-le muscle TA paralysé ne peut pas se contracter pour la montée vers les aigus dans le mécanisme 1

-le passage en mécanisme 2 s’accompagne d’un amincissement des CV donc d’une diminution de leur volume et le défaut d’accolement qui se majore désonorise la voix

La voix reste dans le mécanisme 1, sur quelques notes seulement.


Les bandes ventriculaires sont souvent sollicitées pour tenter d’accoler les CV, signant l’entrée dans le forçage vocal.


2- La prise en charge thérapeutique


a- Les principes

-Le but principal de la prise en charge thérapeutique est de redonner au larynx sa fonction de sphincter

-La récupération vocale dépend de la capacité des CV à se ré affronter, que ce soit par récupération neurologique ou par compensation

-La précocité de la prise en charge est le facteur essentiel de la récupération vocale : elle évite l’atrophie musculaire, elle prévient la mise en place d’un comportement de forçage


b-La rééducation orthophonique

« Toujours, précocement et intensivement »


La rééducation va aider le patient à trouver, à partir de la configuration de son appareil vocal déficient, le geste adapté pour accoler au mieux les CV.

-le travail sur le souffle est fondamental (grands volumes, contrôle de l’inspiration et de l’expiration, pression sous glottique)

-Manipulations laryngées pour « forcer » le contact entre les CV et travailler la sonorisation de la voix (prévention de l’atrophie)

-Recherche d’une position adaptée du larynx pour favoriser l’accolement (mécanisme 2, larynx plus haut dans le cou…)


c- La chirurgie de médialisation

Dans certains cas, le rapprochement des CV reste insuffisant pour permettre la récupération vocale et le travail orthophonique (forçage). Un rapprochement des CV peut alors être proposé chirurgicalement.

Sauf cas particulier, on attend toujours la fin de la période de récupération neurologique théorique (1 an) avant de retenir l’indication chirurgicale.


-L’injection intra-cordale

On augmente le volume de la CV paralysée en y injectant de la graisse prélevée chez le patient. Ceci permet de rapprocher le bord libre de la CV paralysée de la ligne médiane.

La graisse peut parfois se résorber au bout de quelques mois, obligeant à une nouvelle injection.

En cas de résorption obligeant plusieurs injections de graisse, on peut injecter du silicone dans la CV.

L’injection intra-cordale permet d’excellents résultats, à la condition que la CV ne soit pas trop éloignée de la ligne médiane.


-Thyroplastie

En cas de CV en position très latérale, l’injection de graisse ne suffit pas à rapprocher les bords libres pour la phonation. On peut alors rapprocher les CV en réalisant une « fenêtre » dans le cartilage thyroïde au niveau de la lame quadrangulaire : une cale va déplacer la fenêtre médialement, rapprochant la CV paralysée de la ligne médiane.



B-La paralysie du nerf laryngé supérieur



Dans les suites d’une thyroïdectomie le plus souvent, spontanément « a frigore » parfois, le nerf laryngé supérieur peut être atteint, de manière définitive ou non.


La dysphonie passe souvent inaperçue pour le chirurgien, qui est surtout attentif aux altérations du timbre évocateurs d’une paralysie laryngée en rapport avec une blessure de nerf récurrent.


Le patient par contre se rend immédiatement compte d’un changement dans sa voix : celle-ci est aggravée, manquant de puissance et de maniabilité, sans souffle ni éraillement.


L’examen ne trouve pas d’immobilité laryngée, mais le passage en mécanisme léger est impossible.


La prise en charge orthophonique est fondamentale et doit être précoce, pour éviter  l‘atrophie du muscle CT, et aider le patient à trouver un geste plus efficace en mobilisant l’ensemble de a dynamique de l’appareil phonatoire.



C-Les paralysies bilatérales


Encore appelées « diplégies » laryngées, elles sont beacoup plus rares que les PL unilatérales. Au-delà des troubles fonctionnels importants qu’elles entraînent, le pronostic vital est en jeu.

Deus situations s’opposent :

-les PL bilatérales en fermeture ou adduction

-les PL bilatérales en ouverture ou abduction


1-Les PL bilatérales en adduction


La dyspnée domine le tableau clinique. D’abord simple dyspnée d’effort, elle devient progressivement permanente, traduisant l’installation par étapes de la diplégie (paralysie d’une corde, puis de la 2ème).

Le plus souvent, une fausse route alimentaire, un épisode infectieux, le rire ou la toux provoquent un spasme laryngé avec dyspnée aiguë, qui peut nécessiter un geste chirurgical en urgence.



2-Les PL bilatérales en abduction


Ce syndrome est exceptionnel : on note une apparition progressive de fausses routes alimentaires, surtout aux liquides, associée à une dysphonie qui va vers l’aphonie totale.

Les CV sont fixées en abduction sans mouvement possible lors de la phonation ou de la toux.

Les complications pulmonaires sont fréquentes et rendent nécessaire l’alimentation par sonde nasogastrique ou gastrostomie.