Les dysphonies par lésion congénitales
Les dysphonies par lésion congénitales
INTRODUCTION
Les dysphonies par lésions congénitales sont des altérations vocales liées à la présence sur les cordes vocales d'anomalies existant dès la naissance.
Cependant, certaines de ces lésions ne vont se manifester qu'à l'âge adulte, ou bien à la faveur de la survenue d'un facteur déclenchant intercurrent.
Pour chacune de ces pathologies, nous décrirons la lésion étiologique et si possible le mécanisme du trouble vocal, la méthode et les caractéristiques diagnostiques, et enfin les principes thérapeutiques.
Comme nous l'avons précisé au début du cours, il faut garder à l'esprit qu'un trouble du comportement vocal (par exemple l'usage professionnel inhabituel de la voix) peut venir compliquer la présence d'une lésion congénitale des cordes vocales (et c'est la survenue du trouble du geste vocal qui déclenche la dysphonie alors que la voix était jusqu'alors subnormale, en tout cas pour le patient).
Par ailleurs, la présence de l'anomalie congénitale peut, du fait de sa taille ou de la rigidité qu'elle entraîne, altérer le geste vocal : la dysphonie ancienne va s'aggraver plus ou moins progressivement.
I. LES KYSTES ET SILLONS
A- DESCRIPTION
1- Les kystes épidermiques
a- Définition
Le kyste épidermique est une petite lésion arrondie située dans l'épaisseur de la corde vocale, sous la muqueuse, souvent adhérente au ligament cordal.
Il est constitué par un épithélium équivalent à celui de la peau : les cellules épithéliales desquament et tombent à l'intérieur de la cavité du kyste, celui-ci a tendance à grossir, se remplissant d'un liquide blanchâtre, compact, constitué par des cellules nécrosées.
Les kystes peuvent s'ouvrir spontanément à la surface de la corde vocale et se vider, entraînant ainsi une amélioration passagère de la voix.
Le kyste peut alors, soit se refermer et se reconstituer progressivement, soit rester ouvert, élargissant son ouverture sous la forme d'un sillon qui est en fait une invagination de l'épithélium kystique dans la muqueuse de la corde vocale.
b- Signes cliniques
b-1- acoustique
L'altération vocale est évocatrice, et relativement comparable qu'il s'agisse de kystes épidermiques, de sillons ou de vergetures.
L'histoire du patient rapporte dans 50 % des cas un trouble vocal connu depuis la petite enfance ou l'âge scolaire.
Dans l’autre moitié des cas, le début clinique se situe à l'âge de l'adolescence ou de la vie adulte, au décours d'un épisode inflammatoire O.R.L. ou d'un surmenage vocal.
Si le trouble est noté dans l’enfance, on décrit le patient comme un bébé à voix rauque, « un petit avec une grosse voix », un enfant qui ne peut pas chanter.
On retrouve souvent un antécédent familial de difficultés vocales (femme à voix rauque).
À l'âge adulte, la voix parlée se situe dans un registre grave, elle est rauque, peu modulable, fatigable. En voix chantée, la tessiture est réduite.
La raucité traduit l’impossibilité d’une partie ou de toute la muqueuse de la corde vocale, à se laisser déformer, sous la forme d’une ondulation, au passage des puffs d’air expiratoire. La raucité vocale est évocatrice d’une rigidité localisée ou globale de la corde vocale.
Entendre une raucité, c’est suspecter une lésion intracordale (c’est à dire une lésion qui crée une adhésion de la muqueuse au plan profond musculomembraneux de la CV).
Si le kyste est volumineux, ou bien si le sillon déforme la corde vocale (CV arquée), l’accolement se fera mal et du souffle sera entendu (caractère soufflé de la voix).
Parfois, le kyste modifie le bord libre de la corde, entraînant plusieurs points de contact avec l’autre corde, et l’audition d’un éraillement (2 F0 audibles : les cordes ne se comportent plus comme un seul système vibratoire mais comme 2 systèmes).
b-2- examen
L'examen laryngé au miroir ne permet pas de voir ces lésions dans plus de 50 % des cas (on voit les kystes surtout lorsqu'ils sont volumineux). On peut cependant noter un aspect inflammatoire des cordes vocales, la présence d'une dilatation vasculaire unique au contact du kyste (on dit que la dilatation vasculaire nous montre le kyste).
Ainsi, une dilatation vasculaire isolée sur une CV doit nous faire suspecter une lésion intra cordale (kyste épidermique), alors qu’une dilatation diffuse des vaisseaux à la surface des CV nous indiquera le caractère forcé d’un geste vocal.
C'est la stroboscopie qui est l'examen clé de cette pathologie vocale. Les altérations vibratoires sont nettes : on constate une diminution voire une disparition uni ou bilatérale des ondulations en un point précis de la muqueuse des cordes vocales. La disparition de l’espace de Reinke au niveau du kyste ou du sillon, empêche la propagation des ondulations muqueuses à la surface de la CV.
La stroboscopie nous montre également la rigidité du bord libre de la CV en regard du kyste ou du sillon : à cet endroit, le bord libre ne se déforme plus comme il devrait le faire au cours du cycle vibratoire).
2- Les kystes ouverts ou sillons étroits -les ponts muqueux
L'évolution spontanée d'un kyste épidermique peut se faire vers l'ouverture en surface et la constitution d'un sillon.
Le sillon est donc constitué par le fond du kyste épidermique ouvert au niveau de la muqueuse de la corde vocale.
Si le kyste épidermique s'ouvre en deux endroits, 2 sillons parallèles se constituent, réalisant un véritable pont muqueux.
Les caractéristiques vocales, cliniques et stroboscopiques, sont les mêmes que celles du kyste épidermique, ce qui est logique puisqu'il s'agit en fait de la même pathologie.
3- Les vergetures ou sulcus glottidis
a- Définition
Les vergetures ou sulcus sont des sillons larges et longs, étendus tout le long du bord libre de la corde vocale, d’arrière en avant.
La vergeture à deux berges :
· une berge inférieure : saillante et tendue, elle a l'aspect d'une bride.
· une berge supérieure : plus plate, en continuité avec le bord libre.
Le fond de la vergeture est constitué par une muqueuse atrophique, adhérant au ligament cordal qui est aminci, jusqu'à disparaître à certains endroits.
b- Clinique
b-1- acoustique
La dysphonie remonte souvent à l'époque de la mue. Son intensité dépend de l'importance de la béance glottique et de la réduction des ondulations muqueuses.
Le timbre est rauque, la voix est peu modulable souvent aiguë sans harmonique grave, le caractère sexuel vocal n'est pas déterminable.
Cette pathologie n'est jamais constatée chez l'enfant avant la puberté : les vergetures se forment probablement à l'époque de la mue, sur des cordes vocales prédisposées.
b-2- examen
Les vergetures sont le plus souvent bilatérales mais pas toujours symétriques. Situées le long du bord libre des cordes vocales, elles sont à l'origine de la diminution de la souplesse du bord libre qui devient concave et rigide. La glotte prend un aspect ovalaire caractéristique.
En stroboscopie, il n'y a jamais de fermeture complète des cordes vocales. Les vibrations vocales sont de courte amplitude, il n'y a pas d'ondulation muqueuse.
B- PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES DES KYSTES ÉPIDERMIQUES, SILLONS ÉTROITS ET SULCUS
1- Chirurgie
Dans le cas de ces lésions, le traitement clé est la chirurgie. Il s'agit ici, comme pour l'ensemble de la chirurgie des troubles organiques de la voix, d'une chirurgie fonctionnelle, dite phono-chirurgie.
Cet acte microchirurgical se déroule sous anesthésie générale, avec un microscope opératoire et laryngoscopie en suspension.
C'est en palpant et déplissant les cordes vocales que le chirurgien va faire le diagnostic. L'exploration des deux cordes vocales est systématique quelles que soient les données de l'examen clinique et stroboscopique.
Le chirurgien procède à l'ablation de l'enveloppe du kyste ou du fond du sillon, en le décollant du ligament cordal.
Pour les sulcus, la dissection est très difficile, et il est parfois plus judicieux de ne pas tenter de décoller la muqueuse du plan profond, mais plutôt de favoriser l’accolement cordal en réalisant une injection de graisse dans les CV.
Le geste chirurgical est suivi d'un repos vocal absolu de sept jours.
2- Rééducation orthophonique
C'est le complément indispensable de la microchirurgie. La rééducation débute souvent avant l'intervention, et se poursuit après le repos vocal absolu de sept jours.
La prise en charge est longue.
3- Résultats
L'association microchirurgie/rééducation orthophonique donne un résultat positif dans un grand nombre de cas.
L'appréciation subjective du patient, et objective du phoniatre, montrent en fin de traitement :
· une diminution de l'impression d'efforts et de fatigabilité
· une voix plus souple et plus modulée
· une tonalité plus en rapport avec le sexe du patient, une amélioration du timbre, une diminution des désonorisations
· la possibilité parfois de retrouver une voix chantée
Ces lésions congénitales, kystes épidermiques et sillons, sont des pathologies organiques qui altèrent de manière importante, en la rigidifiant, la corde vocale.
Les résultats thérapeutiques sont le plus souvent positifs, sans obtenir toutefois de «normalisation » vocale. La prise en charge des sulcus est très difficile et les résultats acoustiques souvent décevants.
L'adhésion au projet thérapeutique et la motivation du patient sont essentielles pour la réussite de ce traitement, inévitablement long.
II- LES MICROPALMURES
1- Définition
Les micropalmures sont de petites membranes situées entre les cordes vocales, au niveau de leur point de jonction antérieure (commissure antérieure).
La micropalmure arrondit l'angle commissural antérieur, et ne gêne en principe pas le fonctionnement des cordes vocales (sauf si elle est importante, épaisse, et s'étendant en sous-glotte : elle entraîne alors une dysphonie et une dyspnée).
2- Clinique
a- Acoustique
Cette lésion n'a pas de conséquences acoustiques dans sa forme clinique habituelle.
b- Examen
Cette lésion est le plus souvent difficile à voir. Elle est classiquement découverte au cours de l'examen d'une autre lésion vocale (nodule). Elle serait présente dans 20 % des cas de lésions acquises.
Les micropalmures sont donc systématiquement à rechercher au cours de l'examen de ces pathologies vocales. Elles seraient à l'origine d'une fragilisation de la muqueuse des cordes vocales qui rendrait plus facile le développement de lésions acquises.
4- Traitement
Si cette lésion est découverte au cours d'un examen O.R.L. systématique, il n'y a rien à faire.
Si c'est au cours du traitement chirurgical d'une autre lésion vocale que la micropalmure est découverte, elle sera sectionnée si elle est mince. Si elle est épaisse, il est préférable de la laisser en place pour éviter le risque de cicatrice avec synéchie (adhérence des cordes vocales au niveau de l'angle antérieur).